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jusqu’à la fin de ses relations avec Delacroix, Mme Sand eut toujours la plus grande vénération pour le célèbre artiste, et sans partager toutes ses opinions politiques ou certaines idées sur l’art et la vie, elle ne l’en admirait pas moins complètement comme peintre et arbitre d’art plastique, et comme un fin connaisseur dans les autres branches de l’art, par exemple en musique. Elle disait toutefois qu’étant un novateur en peinture, il comprenait parfaitement les innovations musicales ; par contre, il n’aimait en littérature que le strictement classique, le formel et le conventionnel. Chopin de son côté ne comprenait que le conventionnel en peinture. Au fond Chopin et Delacroix, avec leur culte de l’art, exempt de toute tendance et de tout but utilitaire, avec leur caractère très renfermé, tous les deux maladivement sensitifs et impressionnables, s’éloignant également de la foule, de la politique, de tous les intérêts des partis, de tout bruit, portés à admirer tout ce qui orne la vie, tout ce qui est finement élégant, intime et recherché, — ces deux natures se convenaient bien mieux que celles de George Sand et de Delacroix. Si on lit la Correspondance et le Journal de Delacroix, on peut en tirer la conclusion que le grand peintre romantique, malgré toute son amitié pour Mme Sand, la jugeait parfois avec beaucoup de sévérité et de pénétration, comme femme et comme écrivain, et que son amitié pour George Sand et pour Maurice Sand ne l’empêchait pas de garder au dedans de lui-même des « jugements réservés », de ne pas se livrer, tandis que les opinions de Mme Sand sur son compte sont franches, vraies, entières et respirent un parfait enthousiasme pour le peintre et une sincère estime pour l’homme.

Heine connut Mme Sand en 1835, dans sa mansarde du quai Malaquais et même, à son dire, il s’y rencontra avec M. Dudevant dont nous avons donné plus haut le portrait fort piquant tracé par lui[1]. Dans le Journal intime qui se rapporte à l’automne de 1834 et fut envoyé par George Sand à Musset, nous trouvons entre autres la mention « d’avoir rencontré Heine dans la ma-

  1. George Sand, sa vie et ses œuvres, t. Ier, p. 246.