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et le salon où elle reçoit est plein de vases chinois superbes, pleins de fleurs. Il y a toujours une jardinière pleine de fleurs ; le meuble est vert ; il y a un dressoir plein de curiosités ; des tableaux de Delacroix, son portrait par Calamatta. Interrogez votre frère et sachez s’il a vu ces choses-là, qui sont frappantes et qu’il est impossible de ne pas voir. Le piano est magnifique et droit, carré, en palissandre. D’ailleurs Chopin y est toujours. Elle ne fume que des cigarettes et pas autre chose. Elle ne se lève qu’à quatre heures : à quatre heures, Chopin a fini de donner ses leçons. On monte chez elle par un escalier dit de meunier, droit et raide. Sa chambre à coucher est brune, son lit est deux matelas par terre à la turque. Ecco contessa ! Elle a de jolies petites, petites mains d’enfant. Enfin le portrait de l’amoureux de la Z… en castellan de Pologne est dans la salle à manger, fait jusqu’au genou, et rien ne frappe davantage un étranger. Si votre frère se tire de là, vous saurez la vérité. Mais laissez-vous attraper. — Oh ! les voyageurs !…

Guttman, l’un des élèves favoris de Chopin, dans ses Souvenirs cités par Bernard Stavenow[1], parle aussi, quoiqu’en des termes moins artistement précis et moins pittoresques, des meubles anciens qui se trouvaient dans le petit salon fort original ; il dit encore que dans la chambre de Mme Sand, un tapis marron recouvrait tout le plancher, qu’il y avait de beaux tableaux, des meubles en chêne sculpté, que les murs étaient tendus de reps brun et les fauteuils de velours marron et qu’un grand lit carré et bas était recouvert d’un tapis de Perse. Dans une des lettres inédites de Mme Pauline Viardot, datant de son voyage de noce en Italie, la grande artiste se souvient aussi du « boudoir sombre et romantique » de Mme Sand. C’est dans cet élégant petit appartement que Mme Sand vécut sans en sortir, d’octobre 1839 au printemps de 1841, et c’est là quelle revint par deux fois, après les mois d’été passés à Nouant, jusqu’à ce qu’elle le quitta définitivement en novembre 1842.

La vie et le travail allaient à toute vapeur dans les murs de ce petit home. De nombreux précepteurs des deux sexes venaient chez Maurice et Solange ; aux heures libres la jeunesse s’ébattait

  1. Bernard Stavenow, les Belles âmes (Schône Geister). Bremen. 1879. N° 3. L’Élève favori de Chopin (Der Lieblingsschuler Chopin’s).