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Le désir de voir ne fût-ce que son appartement m’emporta. C’est rue Pigalle, 16, tout près de chez moi, non loin de la Notre-Dame de Lorette. Je marche. Paris prend un air nouveau aux abords de la rue Pigalle. Je vois ici que, même à Paris, on peut avoir des maisons de campagne avec jardins. Je passe devant la rue des Martyrs, par la rue Fontaine, où une gaie petite place est entourée de villas dans le plus beau style italien et où demeure Thiers ; je prends à gauche la rue Pigalle n° 20, n° 18, n° 16. — Numéro 16 ! Le cœur me bat. Une grande maison nouvelle. Il y a un jardin derrière, je le vois bien, mais la maison est fermée. Il y a un verrou devant le mystère, un mur de forteresse qui ne me permet pas même d’apercevoir les jalousies de ses chambres. C’est alors que je lis sur la porte un écriteau ainsi conçu : Petit appartement à louer pour un garçon. Je vais jouer une petite farce.

— Il y a une chambre à louer ?

— Pour deux cents francs, dit la concierge.

— Où se trouve-t-elle ?

— À l’entresol.

— Elle donne de l’autre côté ?

— Non, monsieur, ici.

C’était malheureux. Je vis par la porte cochère un petit jardin et au fond le pavillon habité par George Sand.

— Monsieur veut-il voir la chambre ?

— Montrez-la-moi. C’est ainsi que je pus rester plus longtemps à contempler l’endroit où furent écrits : Spiridion, le Compagnon du tour de France et peut-être Mauprat.

La concierge monta.

— Voici la chambre, monsieur !

Elle était spacieuse, peinte à neuf, sans meubles, basse, assez bon marché pour les deux cents francs, mais ses fenêtres donnaient de ce côté, sur la rue, au soleil, et non sur l’ombre du jardin. Lorsque des bonshommes louent quelque chose, et veulent dire le froid non en une forme donnant quelque espoir aux pauvres gens qui attendent qu’ils aient trouvé ce qui leur convient, ils disent : « Je reviendrai. »

— Je reviendrai, madame.

Déjà tourné vers la porte, je demandai :

— N’est-ce pas ici que demeure George Sand ?

— Dans le pavillon, monsieur.

Habiter près de George Sand ! cela vaut bien le prix de deux cents francs !

— Permettez-moi de jeter un coup d’œil sur le jardin.

Je descendis et regardai le petit jardin. Quelques ormes, quelques tilleuls, trois ou quatre plates-bandes, mi-préparées pour le printemps.