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chante du matin au soir. Il a fait des choses ravissantes depuis qu’il est ici…[1].

… Donnez à l’abbé, en plus de mes 40 francs, 10 francs pour Chopin et 5 francs pour Rollinat, total 55 francs, en attendant mieux.

Le 24 août, Mme Sand écrit encore à Mme Marliani :

Chère amie, Chopin est toujours tantôt mieux, tantôt moins bien, jamais mal, ni bien précisément. Je crois bien que le pauvre enfant est destiné à une petite langueur perpétuelle ; son moral, heureusement, n’en est point altéré. Il est gai dès qu’il se sent un peu de force, et quand il est mélancolique, il se rejette sur son piano et compose de belles pages. Il donne des leçons à Solange, qui, sous tous les rapports, montre un grand développement d’intelligence…

… S’il me reste encore cent francs chez vous, veuillez les remettre à M. de Lamennais pour notre petite affaire[2].


Dans l’une des lettres de cet été, Chopin prie Fontana de lui envoyer un « Weber à quatre mains », il est fort probable que ce fut pour l’exécuter avec Solange, ou avec Mme Sand elle-même. Mais, en tout cas, si même elle ne s’occupa point de musique avec lui pratiquement, Chopin trouva en elle une auditrice si sensitive, si pleine de compréhension profonde, qu’il joua pour elle comme pour son alter ego ; à dater de cette époque, il soumit à son jugement toutes ses nouvelles compositions, lui demandant son opinion, et il se livra volontiers devant elle à des expansions sur tous les événements musicaux, les œuvres et même les procédés techniques particuliers de tel ou tel auteur. Or, nous savons comment George Sand, pendant toute sa vie, savait écouter.

« Sie ist eine feine Horcherin, elle est une fine écouteuse », avait dit d’elle Heine[3]. Et effectivement, nous trouvons dans Consuelo, comme dans Carl, dans le Château des Désertes comme

  1. Nous savons par les lettres de Chopin à Fontana, qu’en cet été de 1839 le grand musicien termina sa Sonate en si bémol mineur, le second Nocturne de l’op. 37 (Sol majeur), les trois Mazurkas de l’op. 41 (sauf le première, composée à Valdemosa) en si majeur, la bémol majeur et do dièze mineur, et enfin qu’il s’occupa à corriger l’édition des Œuvres complètes de J.-S. Bach.
  2. Inédite.
  3. Lutèce, premier volume de l’édition allemande, p. 300.