Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T3.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce qui apparaît sous la plume de l’auteur de l’Histoire bien froidement raisonnable, bien artificiellement intentionné et… peu attrayant. Ces petites fins de lettres nous disent qu’à Majorque, tout comme à Nohant et à Paris, pendant plus de neuf ans, c’était une vraie famille qui vivait, famille unie et honnête, acceptée par tout le monde comme telle, quoique illégitime.

Chopin sut se poser si dignement que jamais personne n’eut l’idée de le traiter en « héros de roman », ni, encore moins, de faire des allusions à son intimité avec la maîtresse de la maison, ou de feindre de « ne rien remarquer ». C’était, répétons-le, une vraie famille, honorée de tout le monde, et il eût semblé un manque d’attention de la part de quelque correspondant, s’il ne se souvenait point également de tous les membres de cette famille en écrivant à l’un d’eux. Mais entre tous, ce fut surtout le frère de Mme Sand, Hippolyte Chatiron, — vers cette époque définitivement fixé à proximité de Nohant, dans son domaine de Montgivray, — qui voua une vraie adoration à Chopin. Par son fin esprit artiste, qui le faisait en tant de points ressembler à son illustre sœur (ses lettres témoignent d’une vraie nature d’artiste), par sa verve inépuisable, par son entrain et sa droiture, il gagna aussi le cœur de Chopin qui lui pardonnait volontiers ses petits manques de savoir-vivre et parfois même de graves forfaits contre toute règle, ce qui arrivait assez souvent à Hippolyte, lorsqu’il avait sacrifié à Bacchus. Mais pour Chopin il avait un vrai culte, un sincère attachement, jusqu’à sa mort il ne le traita qu’avec la plus délicate attention, une vénération sans bornes, et il sut, avec lui seul, rester toujours dans les limites du plus parfait respect.

Outre les amis berrichons, Nohant eut cet été la visite de quelques amis parisiens : Mme Dorval, Grzymala, Emmanuel Arago, et quelques autres.

Le 15 août, à la fin d’une lettre inédite consacrée à des questions d’affaires, George Sand ajoute :


… Pressez ce vieux Grzymala ; son arrivée est nécessaire à la cure complète de son petit. Celui-là, du reste, fait des progrès merveilleux à Nohant, cette vie lui réussit enfin. Il a un beau piano et il nous en-