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Cette soirée pluvieuse et la composition du prélude en question — épisode qui, à notre gré, se ressent trop de ce parfait romanesque si aimé des biographes — donnèrent ample matière à tous les auteurs ayant écrit sur Chopin ; chacun en parle différemment et même chacun désigne un autre prélude : les uns assurent que c’était le n° 6 en Si mineur[1], les autres que c’était celui en Fa dièze mineur[2]. Niecks, se basant sur le numéro assez inférieur de l’opus de tous les préludes (28) et sur la foi de l’élève de Chopin, Gutmann, croit pouvoir assurer que Chopin ne composa aucun prélude à Majorque, et n’y fit que corriger et parachever ceux qu’il avait composés antérieurement. Après les lettres de Chopin à Fontana que nous avons citées, cette assertion nous semble téméraire. Nous sommes tout porté à admettre qu’une certaine partie des préludes, déjà composés, fut bien emportée par Chopin dans sa malle ; que peut-être, comme il le faisait souvent, il voulut les mettre dans un certain ordre de tonalités, qu’enfin, si on se souvient de sa manière de travailler et de son labeur obstiné à parfaire chacune de ses nouvelles œuvres, on est forcé d’admettre avec beaucoup de certitude que plusieurs de ses préludes ne furent que définitivement rédigés et recopiés à Valdemosa, mais tout aussi certainement plusieurs autres furent créés à Majorque. C’est ainsi, par exemple, que nous croyons ne pas nous tromper en disant que les Préludes n° 15 en Ré bémol majeur avec la partie en Do dièze mineur, et n° 17 sont bien les préludes dont l’un évoque le cortège funèbre des moines et l’autre est tout plein « de soleil, de chants d’oiseaux » et du parfum des « petites roses pâles ».

Outre les Préludes, Chopin composa ou termina à Majorque la 2 me Ballade (en Fa majeur, op. 38, dédiée à Schumann), les Deux Polonaises (op. 40, en La majeur et Do mineur, dédiées à Fontana), le 3e Scherzo (op. 39, en Do dièze mineur, dédié à Gutmann), la Mazurka (en Mi mineur, op. 41), et il semble

  1. Telle est l’opinion de Wodzinski et de la plupart des critiques musicaux.
  2. Telle est l’opinion de Liszt.