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lait à Pagello, qui avait subi à son tour la fascination des grands yeux noirs. Pagello s’associait à George Sand pour récompenser par une amitié sainte leur victime volontaire et héroïque, et tous les trois étaient grandis au-dessus des proportions humaines par la beauté et la pureté de ce lien idéal. George Sand rappelle à Musset dans une lettre de l’été suivant combien tout cela leur avait paru simple : « Je l’aimais comme un père et tu étais notre enfant à tous deux. » Elle lui rappelle aussi leurs impressions solennelles, « lorsque tu lui arrachas à Venise l’aveu de son amour pour moi, et qu’il te jura de me rendre heureuse. Oh ! cette nuit d’enthousiasme, où malgré nous tu joignis nos mains, en nous disant : « Vous vous aimez et vous m’aimez pourtant, vous m’avez sauvé âme et corps. » Ils avaient entraîné l’honnête Pagello qui ignorait jusqu’au mot romantisme, dans leur ascension vers la folie. Pagello disait à George Sand : « Il nostro amore per Alfredo. » George Sand le répétait à Musset, qui en pleurait de joie et d’enthousiasme… » Voilà comment Arvède Barine parle de cette époque de leur vie, et, ici, comme partout ailleurs, nous souscrirons à ses paroles. Nous devons toutefois attirer l’attention sur un côté de la question qui a échappé à Arvède Barine. Tous nos lecteurs se rappellent probablement l’histoire de Jacques, roman qui a été écrit justement au printemps de 1834 ; ils n’auront pas oublié comment ce mari généreux, en apprenant l’amour de sa femme pour un autre, se décide d’abord, pour son bonheur à elle, à la laisser vivre comme elle l’entend, et se résout ensuite non seulement à s’éloigner d’elle, mais à disparaître, en se tuant et en laissant croire que son suicide n’était dû qu’à un accident fortuit, pour épargner tout remords à sa femme. Dans le temps on a beaucoup parlé de Jacques, soit pour, soit