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pas le même langage lorsqu’il écrivait à sa fiancée, Nathalie Alexandrovna[1] ?

Les discours et la prolixité des héroïnes de George Sand s’expliquent donc parfaitement par leur époque ; et si elle les fait céder à leurs passions seulement lorsqu’elles peuvent justifier leur chute par des motifs de l’ordre le plus élevé, et qu’elle leur fait expier leur entraînement, cela ressort, comme nous l’avons dit plus haut, de la tendance de George Sand vers le vrai, le beau, le raisonnable dans la vie, tendance souvent en contradiction avec ses propres entraînements et ses propres passions. Voilà pourquoi les critiques qui oublient ou ne voient pas cette dissemblance absolue entre Aurore Dudevant et le type favori des héroïnes de George Sand, seront constamment en contradiction avec eux-mêmes, ou accuseront George Sand d’hypocrisie.

Cette contradiction se manifeste surtout chez Lindau, lorsqu’il raconte le début du roman qui s’est passé entre elle et Musset. Il n’est certes pas plus heureux lorsqu’il essaye de la représenter comme une « lady Tartuffe » ou comme une Mme Putiphar, que Paul de Musset en voulant faire passer son frère pour une rosière.

Les premières semaines — comme tous les « commencements » dont parle Mme de Staël — furent heureuses ; une harmonie parfaite régnait entre les deux amants. Tous deux, semble-t-il, avaient trouvé l’un dans l’autre ce qu’ils rêvaient, ce qu’ils cherchaient. Ils ne se cachaient pas du monde et étaient inséparables.

Dans une lettre inédite du 7 mars 1834 à Boucoiran, George Sand le prie — pour éviter tout malentendu avec

  1. La Correspondance récemment publiée du célèbre écrivain russe avec sa fiancée (plus tard sa femme) a excité un intérêt général en Russie.