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peut « en publier la nouvelle, car elle est dorénavant obligée de mettre sa vie au grand jour[1] ».

Lindau, autre biographe de Musset, fait à sa manière l’histoire de l’amour des deux poètes, et la traite si singulièrement que nous croyons nécessaire de nous y arrêter un instant.

Quand commence le récit des débuts de l’amour de Musset pour George Sand, Lindau, sans avoir l’air de condamner George Sand, choisit ses tournures, ses verbes, ses adjectifs, ses substantifs, l’on dirait même ses prépositions, de manière à faire paraître les choses les plus simples comme des ruses, les actions dignes de la sympathie la plus entière comme je ne sais quoi d’astucieux, cachant un but mystérieux. Ainsi il dit, entre autres, qu’à la cour ardente que lui faisait Musset, « elle opposa une sage barrière et ce jugement froid et réservé qu’elle sut garder dans toutes les circonstances de la vie ». Si nous nous rappelons qu’au mois de mars, George Sand n’avait pas encore fait la connaissance de Musset, et que le 25 août elle communiquait déjà à Sainte-Beuve la nouvelle importante, mentionnée un peu plus haut, les mots « jugement froid et réservé » nous paraîtront une simple raillerie, car il ne viendra à l’esprit de personne d’accuser précisément, en ce cas, George Sand d’un excès de raisonnement. Dans la même lettre, George Sand, il est vrai, dit à sa manière ordinaire, que si elle a agi comme elle l’a fait, c’était plutôt par amitié que par amour. Amitié bien étrange ! Les mots restent des mots, et les faits des faits ; nous avouons que, dans ce cas, nous aurions préféré voir chez George Sand plus de possession de soi-même et de « raisonnement, » ou plutôt une

  1. À présent cette lettre est imprimée en entier dans la Revue de Paris et dans le volume des Lettres à Sainte-Beuve, publié chez Lévy.