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« Je causais avec un camarade. Elle a de hautes vertus, de ces vertus que la société prend au rebours. Nous avons discuté avec un sérieux, une bonne foi, une candeur, une conscience, dignes des grands bergers qui mènent les troupeaux d’hommes, les grandes questions du mariage et de la liberté.

« Car, comme elle le disait avec une immense fierté (je n’aurais pas osé le penser de moi-même) : « Puisque par nos écrits, nous préparons une révolution pour les mœurs futures, je suis non moins frappée des inconvénients de l’un que de ceux de l’autre. »

« Et nous avons causé toute une nuit sur ce grand problème. Je suis tout à fait pour la liberté de la jeune fille et l’esclavage de la femme, c’est-à-dire que je veux qu’avant le mariage, elle sache à quoi elle s’engage, qu’elle ait étudié tout ; puisque, quand elle a signé le contrat, après en avoir expérimenté les chances, elle y soit fidèle. J’ai beaucoup gagné en faisant reconnaître à Mme Dudevant la nécessité du mariage ; mais elle y croira, j’en suis sûr, et je crois avoir fait du bien en le lui prouvant.

« Elle est excellente mère, adorée de ses enfants ; mais elle met sa fille Solange en petit garçon et ce n’est pas bien.

« Elle est comme un homme de vingt ans, moralement, car elle est chaste, prude, et n’est artiste qu’à l’extérieur. Elle fume démesurément elle joue peut-être un peu trop à la princesse, et je suis convaincue qu’elle s’est peinte fidèlement dans la princesse du Secrétaire intime. Elle sait et dit d’elle-même ce que j’en pense, sans que je le lui aie dit : qu’elle n’a ni la force de conception, ni le don de construire des plans, ni la faculté d’arriver au vrai, ni l’art du pathétique ; mais que sans savoir la langue française, elle a le style ; c’est vrai. Elle prend assez, comme moi, sa gloire en