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brin de cour. George Sand avait envoyé la lettre avec la sienne, sans y jeter les yeux. La comtesse d’Agoult en fut fort irritée et ne tarda pas à le faire voir dans une lettre à George Sand, tout en ayant aussi l’air de s’étonner que celle-ci eût osé lui envoyer pareille missive. Mallefille, de son côté, crut pouvoir reprocher à George Sand de ne lui avoir pas appris à écrire. Alors, malgré la place que Mallefille occupait déjà dans sa vie, George Sand le livra, pieds et poings liés, en écrivant à la comtesse la lettre la plus drôle et la plus charmante du monde, mais mortellement dédaigneuse pour le pauvre jeune homme, lettre dont voici le sens : « Je ne suis pas responsable des actes de Mallefille, je ne me sens nullement obligée de lui apprendre à écrire des lettres, et s’il commet des bêtises, tant pis pour lui. »

Cela se passait au mois de janvier, et au mois de septembre de la même année 1838, lorsque Mallefille se permit « des bêtises » à l’égard de George Sand elle-même, en ne pouvant se décider à prendre au sérieux la résolution qu’elle avait prise de ne plus avoir pour lui que de l’amitié (après six mois d’intimité plus complète) et qu’il se permit de la tourmenter par des scènes de jalousie, elle s’en plaignit, cette fois sans plaisanteries, à leur maître et ami commun Pierre Leroux, et lui demanda de sermonner Mallefille à la première occasion. (Mallefille devait, en effet, se rendre avec Rollinat chez Leroux, pour parler philosophie.) Elle demanda donc à Leroux, dans une lettre datée du 26 septembre 1838, de calmer la passion tragique de Mallefille, qui « est allé, ces jours-ci, faire un esclandre tout à fait coupable envers moi, et se battre en duel avec un de mes amis. Il semble guéri aujourd’hui, et je m’attends à ce qu’avant huit jours, il viendra me demander pardon.