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jusqu’à ce que sa triste position se décide. Certainement dès que je pourrai retourner à Nohant, tu viendras m’y voir et j’y compte.

« Tu me crois heureuse, mon ami. Je suis loin de là ; outre la maladie douloureuse à laquelle j’assiste, j’ai souffert de la part de Michel tout ce que tu avais prévu. Ce que tu m’avais prédit dans ta dernière lettre est arrivé aussi. Lasse de dévouement, ayant combattu ma fierté avec toutes les forces de l’amour, et ne trouvant qu’ingratitude et dureté pour récompense, j’ai senti mon âme se briser et mon amour s’éteindre. Je suis guérie ; ne me félicite pas trop de ce triste bonheur, et ne me plains pas non plus, car, relativement, j’ai à remercier ma destinée. Ces affreuses angoisses ont cédé à leur propre excès. À force de saigner, la plaie s’est fermée, et cette fois je suis sûre de mon fait : je n’aime plus. Je sens que le voile est tombé et que j’ai recouvré mes forces. J’en ai besoin, car je suis arrivée au dernier degré de désenchantement. Mais qu’importe ? Sommes-nous ici bas pour être heureux ? Et de quel droit le serions-nous ? Nous sommes en mer, la volonté des vents et des flots soit faite !

« Je ne suis point ingrate ! Je sens le bonheur d’avoir des enfants, et quoique profondément triste que je sois, l’amitié me trouvera toujours digne de ses bienfaisantes sollicitudes. Combien la tienne a été grande, intelligente, attentive et délicate !

« Ne crains pas que je t’oublie jamais et quand tu seras malheureux, songe qu’il y a une âme qui t’appartient et qui a droit à la moitié du fardeau.

    coup d’État, il renonça à la carrière politique, reprit son ancienne profession, tout en restant fidèle à ses opinions républicaines, dans lesquelles il éleva aussi son fils, M. Cyprien Girerd, qui, à son tour, joua un rôle politique très connu.