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lui-même ce qu’il veut ni ce qu’il ne veut pas. N’ayant apparemment aucune ressource pour vivre, il est entièrement sous la dépendance de son père, qu’il craint. Le père s’oppose naturellement au mariage de son fils avec la fleuriste. Geneviève, qui finalement va devenir mère, et dont les forces sont épuisées par une lutte trop inégale avec les préjugés du marquis et le faible caractère de son fils, tombe malade de chagrin et de honte. Au dernier moment, André l’épouse, mais il est trop tard : Geneviève meurt dans les bras de celui qui n’a pas su l’apprécier plus tôt. Le sujet du roman, on le voit, est des plus simples, mais c’est peint avec une fraîcheur et une délicatesse de couleur tout à fait extraordinaires, surtout la première partie. La scène de la rencontre des jeunes gens dans le pré fleuri au bord de l’Indre ; les impressions que la nature fait naître dans le cœur simple de Geneviève, ignorante, mais sensible à toutes les beautés ; la vie modeste de la jeune fleuriste dans sa chambrette ; la naissance de son amour pour André, tout cela sont autant de tableaux charmants. D’un autre côté, le père Morand, la scène de l’invasion inattendue de son château par un essaim de gaies grisettes, sous la conduite du joyeux ami d’André, nommé Joseph Marteau, et le portrait de ce Joseph lui-même, sont enlevés avec beaucoup de verve et dénotent chez l’auteur une observation et une parfaite connaissance de la vie provinciale et de ses types.

Ce que George Sand nous dit des motifs qui l’ont amené à écrire André, est très curieux à noter. Car cela montre combien elle était impressionnable, et à quel degré la direction de son esprit et de ses écrits dépendait du monde ambiant. Le temps serein ou morne, le ciel clair ou couvert, une lumière plus ou moins vive, les barcarolles mélodiques des gondoliers ou les simples chansons et le babil de quel-