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Et dans l’une de ses premières lettres à la comtesse, si coquettes et si enthousiastes, écrites en 1835 au plus fort de la prédication de Michel et au commencement des relations de George Sand avec Lamennais, celle-ci disait à cette même amie :

« … Vous me semblez la seule chose belle, estimable et vraiment noble que j’aie vue briller dans la sphère patricienne. Il faut que vous soyez en effet bien puissante pour que j’aie oublié que vous êtes comtesse. Mais à présent vous êtes pour moi le véritable type de la princesse fantastique, artiste, aimante et noble de manières, de langage et d’ajustements, comme les filles des rois aux temps poétiques. Je vous vois comme cela, et je veux vous aimer comme vous êtes et pour ce que vous êtes. »


Supposons que ceci ne soit pas dit par George Sand, mais par un jeune plébéien, épris d’une adorable patricienne, lequel ne pardonne et n’oublie que la jeune fille qu’il aime est comtesse, qu’à force de l’adorer, et nous aurons Simon Féline, fils unique de cette vénérable vieille Jeanne Féline, paysanne illettrée, mais toute confite dans ses vertus républicaines, vraie matrone romaine en coiffe berrichonne, filant sa quenouille au seuil de sa cabane et lançant des regards implacables au château seigneurial que s’élève au sommet de la colline. Simon fut élevé par cette vieille républicaine et dirigé par son oncle l’abbé Féline, qui « comprenait la formule chrétienne de l’amour et de l’égalité comme la comprenaient les premiers chrétiens ». Le jeune paysan reçoit une bonne instruction et, sans doute grâce à l’influence de maître Michel, ami de l’auteur, il se dispose à entrer au barreau, à l’aide du vieil