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être aujourd’hui d’institution divine et de législation éternelle[1] » !…

« … Pour empêcher la femme d’accaparer par sa vertu l’ascendant moral sur la famille et sur la maison, l’homme a dû trouver un moyen de détruire en elle le sentiment de la force morale, afin de régner sur elle par le seul fait de la force brutale ; il fallait étouffer son intelligence ou la laisser inculte, c’est le parti qui a été pris. Le seul secours moral laissé à la femme fut la religion, et l’homme, s’affranchissant de ses devoirs civils et religieux, trouva bien que la femme gardât le précepte chrétien de souffrir et se taire.

« Le préjugé qui interdit aux femmes les occupations sérieuses de l’esprit est d’assez fraîche date. L’antiquité et le moyen âge ne nous offrent guère, que je sache, d’exemples d’aversion et de systèmes d’invectives contre celles qui s’adonnent aux sciences et aux arts. Au moyen âge et à la renaissance, plusieurs femmes d’un rang dis-

    par nature, cette absence de culture la rend faible et sans résistance ; si elle a de l’esprit, elle bavarde trop ; si elle a quelque savoir, mais pas d’éducation, elle a une trop grande opinion d’elle-même, mais si elle est méchante par nature, alors elle est arrogante, vaniteuse, querelleuse et ressemble à un être insensé. Tous ses défauts font d’elle souvent un diable… « … J’ose affirmer que tout le monde agit injustement envers les femmes, car je ne puis penser que le Tout-Puissant créa de ces êtres si tendres, si charmants, les doua de traits si agréables et des mêmes capacités que les hommes, seulement pour en faire des ménagères, des cuisinières et des esclaves !… » Il est fort douteux que George Sand sût que par la bouche de l’ami de Marcie elle disait presque mot pour mot ce que l’auteur du Robinson avait dit cent quarante ans avant elle, il y a juste deux cents ans de cela, en 1698. Nous nous sommes permis de donner cette longue citation de l’Essay on projects en supposant que la mise en regard des idées de Daniel de Foë et des opinions de George Sand est fort curieuse, et pour montrer qu’il ne faut pas être une femme pour les avoir et les émettre. Amos Coménius (ou Komencki) l’a dit aussi. Cela ne signifie-t-il pas que les grands esprits doivent souvent répéter les uns après les autres, une grande vérité bien simple jusqu’à ce qu’elle devienne accessible à l’esprit de tout le monde ?

  1. Lettres à Marcie p. 230.