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à souffrir de pareils éreintements, et, d’autre part, elle subissait l’ascendant de Liszt, toujours avide de combattre, s’élançant, indigné, au-devant des ennemis, à la vue des banalités du public et des idées rétrogrades de messieurs les critiques. Chacun des représentants des quatre spécialités est un type si parfaitement accompli que chacun de nous peut remplacer par des noms propres ces quatre indications : le poëte, le compositeur, le critique, le peintre, et nommer bon nombre de médiocrités contemporaines qui s’acharnent, dans leur étroitesse bornée, à injurier tous ceux qui ne sont pas de leur coterie, sans voir pour cela, même dans leur spécialité, plus loin que leur nez.

Tout aussi charmantes sont les autres scènes secondaires où apparaissent les simples bons citoyens, qui servent de repoussoirs à la sublime Hélène et au non moins sublime Albertus. Leur banalité, leur mesquinerie, leur inertie d’esprit, leurs bavardages insipides sur des choses auxquelles ils n’entendent rien, tout cela est rendu d’une manière inimitable.

Reconnaissons aussi, quoi que nous en ayons dit, que l’improvisation d’Hélène et son entretien, au sommet de la flèche, avec l’esprit de la lyre sur la grandeur et les souffrances de l’humanité, sont empreints d’une vraie poésie et pénétrés, comme toutes les pages de ce genre de George Sand, d’une pitié profonde et ardente.

C’est justement ici le lieu de citer le fragment que nous avons déjà mentionné, c’est-à-dire la Préface de Liszt pour son poème symphonique : L’Héroïde funèbre, le seul épisode conservé de la Symphonie révolutionnaire et qui a paru après 1850. Tout comme George Sand par la bouche d’Hélène, Liszt y dit que tout progrès de l’humanité est acheté au prix du sang, des douleurs sans