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humaines, les souffrances des pauvres martyrs et la cruauté des persécuteurs qui s’intitulent la fleur et le couronnement de la création, jette la lyre du haut de la tour. Il semblerait que le conte est fini. Mais non, Méphistophélès se saisit de la lyre et la remet à la servante d’Albertus, qui passe justement à ce moment, et la lyre est restituée dans le cabinet du savant docteur. La lyre ne garde plus qu’une corde, celle d’airain, qui parle aux hommes par l’amour. C’est alors seulement qu’Albertus comprend le langage de l’esprit de la lyre, et cet esprit devient enfin libre, mais Hélène, qui s’était éprise de lui, meurt en brisant la dernière corde et son âme unie à celle de l’esprit de la lyre, saluée par la foule des frères célestes, est emportée par eux dans l’espace éthéré ou plutôt sur la blanche étoile de Véga, dans la constellation de la Lyre !!

Albertus, qui a enfin compris le sens suprême et l’harmonie des choses créées, se réconcilie avec la vie, et, s’adressant à ses disciples, leur dit : « Mes enfants, l’orage a éclaté, mais le temps est serein ; mes pleurs ont coulé, mais mon front est calme : la lyre est brisée, mais l’harmonie a passé dans mon âme. Allons travailler. »

Nous devons avouer qu’il nous a fallu du courage pour lire cette œuvre nébuleuse et emphatique, quoiqu’on y trouve des pages sublimes de poésie, et d’autres pleines d’humour et d’observations fines et profondes, mais on peut dire que la forme en est aujourd’hui quasi insupportable ; le tout est tellement monté sur des échasses mystiques et allégoriques, que cela amène souvent le sourire sur les lèvres. Telle, par exemple, la scène sur la flèche de la cathédrale, que nous venons de citer, et qui est tout simplement burlesque par son romantisme exagéré — paraissant presque une charge. Elle ne peut provoquer chez le lecteur qu’un rire irrésis-