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manteau). — Hélène, Hélène, la voici, regarde-la ! Reviens, au nom du ciel ! Je t’en laisserai jouer tant ce que tu voudras. Mais redescends ces marches, ou tu vas périr !

Hélène, s’arrêtant. — Donnez-moi la lyre et ne craignez-rien.

Albertus. — Non, je te la donnerai ici. Reviens. Ô ciel ! Je n’ose m’élancer après elle. Je crains qu’en se hâtant, ou en cherchant à se débattre, elle ne se précipite au bas de la tour.

Hélène. — Maître, étendez le bras et donnez-moi la lyre, ou je ne redescendrai jamais cet escalier.

Albertus, lui tendant la lyre. — Tiens, tiens, Hélène, prends-la. Et maintenant, appuie-toi sur mon bras, descends avec précaution. (Hélène saisit la lyre et monte rapidement l’escalier jusqu’au sommet de la flèche.)… »

Elle s’assied auprès de l’archange de bronze, et voyant devant elle l’immense ville pleine de vie et fourmillant d’hommes, elle se met à improviser sur les souffrances et les malheurs de l’humanité. Cependant Hans, qui veut la suivre, grimpe de l’autre côté de l’archange pour soutenir Hélène si la tête venait à lui tourner — ce qui ne serait nullement étonnant sur une estrade de concert aussi élevée. Hélène termine cependant sans accident son entretien avec l’esprit de la lyre ; elle cause maintenant avec lui sur les cordes d’acier et comme ces cordes ne parlent plus de choses inaccessibles aux hommes, mais leur dépeignent bien les gloires et les malheurs du genre humain, alors Hanz et Albertus peuvent comprendre Hélène.

Hélène. — Ô esprit, où m’as-tu conduite ? Pourquoi m’as-tu enchaînée à cette place pour me forcer à voir et à entendre ce qui remplit mes yeux de pleurs et mon cœur d’amertume ? Je ne vois au-dessous de moi que les abîmes