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agitations se firent remarquer et que les relations amicales commencèrent à se troubler.

« Mais indépendamment de la jalousie, ces deux natures offraient de si grands contrastes qu’une harmonie de cœur ne put jamais exister entre elles. D’une part, George Sand, esprit profond et créateur, de l’autre, la comtesse d’Agoult, esprit éminent aussi, mais seulement résonnant au contact d’idées d’autrui (anempfindende). L’une, enfant de la nature, ne trouvait toutes ses aises que lorsqu’elle était en bottes et en blouse, ou montée sur un andalous fougueux et sans selle[1] ; l’autre, des pieds à la tête une grande dame de la vieille école française, ne se sentait bien que dans des robes de mille francs ; l’une, nature toute prime-sautière, l’autre, toujours réfléchie, pesant tous ses actes, ne faisant rien à la légère. Chez George Sand, la droiture personnifiée, tout se faisant à visage découvert, le mal et le bien ; la comtesse toujours voilée. Comment ces deux natures féminines eussent-elles pu sympathiser longtemps

  1. Ceci est sans doute une licence poétique : George Sand, dans le courant de cet été, montait un petit cheval, toujours sellé, qui lui avait été amené de Nevers par M. de Gévaudan. Lina Ramann a été induite en erreur par Liszt lui-même qui, dans sa 3° Lettre d’un Bachelier ès musique, dit à George Sand : « Peut-être allez-vous me trouver bien sombre aujourd’hui, peut-être le chant du rossignol a-t-il marqué pour vous le passage d’une nuit délicieuse à un jour splendide ; peut-être vous êtes-vous assoupie sous les lilas en fleurs et avez-vous rêvé d’un bel ange aux cheveux blonds qui, à votre réveil, s’est trouvé souriant à vos côtés sous les traits de votre fille chérie, peut-être votre impétueux andalous frémissant sous la main qui le dompte vous a-t-il fait franchir en quelques secondes la distance qui vous sépare de votre meilleur ami ; peut-être, et sûrement, avez-vous rencontré sur votre passage les regards d’un malheureux auquel vous avez fait bénir la Providence… » Dans une note à la même page, il est dit que ce meilleur ami était Jules Néraud. Mais il est hors de doute que Liszt en écrivant ces lignes parlait, non de Jules Néraud, mais de Michel que George Sand allait souvent voir ou de grand matin ou à la nuit tombée, tantôt à La Châtre, tantôt à Châteauroux. (Voir les Lettres de femme et les lettres inédites de George Sand, du 16 avril, du 10 juin et du 18 septembre 1837.)