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rées estivales, lorsque la lune se mirait dans les grandes fenêtres du salon, que le parfum des roses et des tilleuls y pénétrait avec les chants des rossignols dont les plaintes amoureuses remplissaient tout le jardin, Liszt se mettait au piano dans la pénombre, sans autre lumière que celle de la lune et des étoiles, et tenait souvent ses auditeurs pendant de longues heures sous le charme de ses improvisations inspirées. Quand le piano se refermait, la petite société passait sur la terrasse sablée, et les causeries paisibles se prolongeaient souvent bien avant dans la nuit, causeries que George Sand reproduit dans les Avant-propos de ses Nouvelles vénitiennes, dont nous avons déjà parlé au chapitre IX. Parfois aussi, en ces douces soirées, les amis se taisaient soudain, jouissant en silence de la beauté des nuits étoilées.

Voici quelques extraits du Journal de Piffoël, dont nous avons déjà cité plusieurs fragments et qui nous peignent la vie à Nohant en 1837 :

« La chambre d’Arabella est au rez-de-chaussée sous la mienne. Là, est le beau piano de Franz. Au-dessous de la fenêtre d’où le rideau de verdure des tilleuls m’apparaît est la fenêtre d’où partent ces sons que l’univers voudrait entendre et qui ne font ici de jaloux que les rossignols. Artiste puissant, sublime dans les grandes choses, toujours supérieur dans les petites, triste pourtant, et rongé d’une plaie secrète. Homme heureux, aimé d’une femme belle, généreuse, intelligente et chaste, — que te faut-il misérable ingrat ! Ah ! si j’étais aimée, moi ! »

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« Quand Franz joue du piano, je suis soulagé. Toutes mes peines se poétisent, tous mes instincts s’exaltent. Il fait surtout vibrer la corde généreuse. Il attaque aussi la