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lement il lui arrivait de sortir avec l’intention d’aller dans un endroit, et de changer d’idée à moitié du chemin[1]. »

« Indépendant jusqu’à l’opiniâtreté, confiant en son jugement jusqu’à s’opposer même à l’autorité la plus respectable, cette autorité fût-elle le devoir envers soi-même, le respect de son propre talent, — sans aucun guide en dehors de sa propre volonté, de ses propres caprices et passions, il traversait orageusement la vie sans vouloir s’arrêter devant aucune barrière, sans se soucier de développer les forces nécessaires pour vaincre les obstacles que l’on trouve dans la vie ou pour réparer les forces perdues, — il préférait au lieu de se reposer, se traîner plus loin avec peine, aussi longtemps que c’était possible et, lorsque les forces le trahirent, il tomba et resta immobile… » — Voilà par quelles paroles Lindau caractérise la vie et la nature d’Alfred de Musset.

« C’est ainsi qu’il vécut, c’est ainsi qu’il travailla. Tout ce qui lui paraissait régularité et ordre, le rebutait. Quand il y était disposé, il arrivait que pendant des jours et des semaines et quelquefois des mois entiers, il vivait exclusivement par le travail de l’esprit. Mais ensuite venaient des temps d’arrêt qui duraient de longues semaines, des mois et même des années, — intervalles pendant lesquels il ne faisait rien ou n’écrivait que rarement, dans un moment favorable, une poésie de circonstance, lorsque quelque motif le portait à le faire. La preuve qu’il ne pouvait pas se maîtriser apparaissait aussi en cela, et, même au commencement de sa carrière active, il perdait en futilités des jours et des semaines qui eussent dû lui être précieux. Les reproches qu’il aurait dû

  1. Paul de Musset, Biographie d’Alfred de Musset, p. 360.