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la comtesse, symbolisant pour ainsi dire par là, qu’elle y était toujours présente, toujours souveraine. Mais une maladie de la comtesse avait beaucoup retardé l’arrivée des Fellows à Nohant. Liszt écrit à la châtelaine le 22 janvier :

« Marie est dans son lit depuis six jours, mon bon Piffoël ; — j’ai été deux fois à la diligence pour faire changer les places retenues. Elle se meurt d’envie de décamper de chez moi, où l’on est fort mal, comme vous savez. De plus, on est venu nous dire que vous étiez morte, ce qui serait grave, et depuis cette fatale nouvelle elle n’a ni trêve ni repos et veut à tout force partir pour s’assurer définitivement de votre décès. Probablement elle compte sur un brillant héritage.

« Plaisanteries à part, Marie ne pourra partir que d’ici à trois jours (mardi peut-être), ce qui donnera le temps à votre gibier de se faisander tout à l’aise[1]. Elle me charge de vous dire un million de belles choses, ce dont je suis fort embarrassé. Nous jasons constamment de l’ami Piffoël, et tous ceux qui n’admettent pas en principe que Piffoël est un être surhumain, indéfectible, quasi fabuleux, sont fort mal venus chez nous.

« Didier et Bignat[2] viennent de temps à autre. Je leur ai gagné 50 francs l’autre jour ; c’est presque la collection des œuvres de George Sand. Au revoir, à bientôt, mon bon Piffoël, aimez-moi toujours comme par le passé, je le vaux bien.

« F. L. »
  1. George Sand avait écrit à la comtesse, le 18 janvier, que tout était prêt pour son arrivée, et même « le garde-manger garni de gibier ».
  2. Bignat était le sobriquet d’Emmanuel Arago. On en avait aussi baptisé, un peu plus tard, le cheval favori de George Sand.