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— Qu’est-ce que le major ?

— Que vous importe ? dit mon ami le légitimiste.

— Au fait ! Garçon, allez chercher le major.

Le major arrive[1]. Il a la figure de Méphistophélès et la capote d’un douanier. Il me regarde des pieds à la tête et me demande qui je suis.

— Un voyageur mal mis, comme vous voyez, qui se recommande d’Arabella.

— Ah ! ah ! je cours chercher un passeport.

— Cet homme est-il fou ?

— Non pas ; demain nous partons pour le Mont-Blanc.

Nous voici à Chamounix ; la pluie tombe, et la nuit, s’épaissit. Je descends au hasard à l’Union… et cette fois je me garde bien de demander l’artiste européen par son nom. Je me conforme aux notions du peuple éclairé que j’ai l’honneur de visiter, et je fais une description sommaire du personnage : Blouse étriquée, chevelure longue et désordonnée, chapeau d’écorce défoncé, cravate roulée en corde, momentanément boiteux, et fredonnant habituellement le Dies iræ d’un air agréable.

— Certainement, Monsieur, répond l’aubergiste, ils viennent d’arriver ; la dame est bien fatiguée, et la jeune fille est de bonne humeur. Montez l’escalier, ils sont au n° 13.

— Ce n’est pas cela, pensais-je, mais n’importe. Je me précipite dans le n° 13, déterminé à me jeter au cou du premier Anglais spleenétique qui me tombera sous la main. J’étais crotté de manière à ce que ce fût là une charmante plaisanterie de commis voyageur.

    George Sand appelle encore Mirabella, princesse Mirabelle, simplement princesse ou bien ma belle comtesse aux cheveux blonds.

  1. Adolphe Pictet, un ami de Liszt et de la comtesse d’Agoult, major de l’armée fédérale et écrivain, l’auteur du petit livre : Une course à Chamounix. (Paris, Benj. Duprat, 1838)