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de prier. Prier est une chose difficile, importante. C’est la fin de l’homme moral. Vous ne pouvez pas prier, vous. Je vous en défie et, si vous prétendiez que vous le pouvez, je ne vous croirais pas. Moi, j’en suis au premier degré, au plus faible, au plus imparfait, au plus misérable échelon de l’escalier de Jacob. Aussi je prie rarement et fort mal. Mais si peu et si mal que ce soit, je sens un avant-goût d’extases infinies et de ravissements semblables à ceux de mon enfance quand je croyais voir la Vierge, comme une tache blanche, dans un soleil qui passait au-dessus de moi. Maintenant je n’ai que des visions d’étoiles, mais je commence à faire des rêves singuliers[1]… »

Alors que George Sand était ainsi plongée dans les méditations, le travail et la recherche de l’équilibre moral, M. Dudevant interjeta appel au jugement du tribunal de La Châtre, et les 23 et 26 juillet 1836, l’affaire fut jugée par la Cour royale à Bourges.

George Sand se rendit à Bourges vers le commencement de juillet et s’installa encore chez des amis qui s’empressèrent à lui donner l’hospitalité, les Tourangin, apparentés aux Duteil, et qui d’emblée furent de vrais amis pour Mme Dudevant. Elle y passait le temps de la manière la plus bourgeoisement calme et la plus vertueusement occupée, en aidant Mme Tourangin à soigner ses petits frères et sa jeune sœur. Pourtant ce n’est pas sans appréhension qu’elle vit arriver le jour des débats, comme le témoigne cette Prière, écrite la veille de l’audience et que l’on pouvait lire, il y a quelques années, tracée au crayon sur le panneau de la boiserie d’une alcôve d’une vaste maison

  1. Correspondance, t. II, p. 6.