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curieusement par la fenêtre de la chambrette, ornée à la villageoise, cette femme solitaire, courbée sur ses papiers, — alors elle descendait dans le jardin endormi et y passait des heures entières à méditer et à observer le mouvement des constellations. Elle savait au juste où se lèverait telle ou telle autre étoile, comment elle brillerait et changerait de couleur ; elle aimait à voir tous ces feux lactés, rouges ou diamantés s’éteindre peu à peu, vaincus par les lueurs de l’aube, et, dans le vaste et majestueux silence, à saluer le jour naissant. « Cela s’opère de mille manières différentes. Cette révolution, si uniforme en apparence, a tous les jours un caractère particulier[1] », écrit-elle à la comtesse d’Agoult, en lui décrivant ses contemplations nocturnes du firmament, ses promenades aux bords de l’Indre dont les fraîches ondes, où elle se plongeait « avec toutes ses draperies », lui donnaient des forces pour continuer son chemin malgré les chaleurs accablantes de midi[2]. On voit dans toutes ses lettres de 1836 à Liszt et à Mme d’Agoult briller ces étoiles tantôt pâles, tantôt étincelantes, et ces magnifiques levers de soleil ; on assiste à ses rêveries solitaires sur la terrasse, à ses courses à cheval à la brune ou sous les feux dardants de midi. Ces mêmes méditations enthousiastes, ces descriptions de nuits étoilées et d’aubes empourprées, nous les retrouverons dans les chapitres de la nouvelle Lélia. Nous les avons mentionnés déjà[3].

Cependant les relations de Michel avec son amie commençaient à prendre un caractère pénible et despotique. « J’ai des grands hommes plein le dos (passez-moi l’expression). Je voudrais les voir tous dans Plutarque. Là, ils ne

  1. Correspondance, t. I, 372.
  2. Correspondance, t. II. Lettre du 10 juillet 1836.
  3. Voir le chapitre vu de notre livre.