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cette scène, était resté impassiblement assis à table, la tête baissée, se leva en entendant Aurore lui crier : « Que regardez-vous là ? » Voyant Casimir entrer dans la chambre avec un fusil à la main, il se jeta à son tour à sa rencontre et le désarma à l’aide des autres convives[1].

Aurore alla s’enfermer dans sa chambre, ou Maurice la suivit en pleurant. Elle le consola comme elle le put, mais en son âme elle prit la résolution bien arrêtée et définitive de ne plus avoir à subir de telles violences et de ne plus donner à ses enfants le spectacle de scènes aussi révoltantes. Et comme elle ne pouvait dorénavant se fier à son mari, malgré le traité et la parole donnée, elle jugea qu’il fallait mettre fin à cette vie impossible, où elle et Dudevant ressemblaient à deux forçats rivés à la même chaîne et se haïssant l’un l’autre. Duteil essaya encore de persuader à Aurore de faire la paix avec son mari, mais elle n’y consentit pas. Elle se rendit à Châteauroux chez le vieil avocat Rollinat, père de son ami de prédilection, François Rollinat, et à Bourges, chez Michel, prit conseil de ces deux amis et résolut d’adresser au tribunal une demande en séparation.

Ne voulant pas rester seulement une heure sous le même toit que Dudevant, elle alla passer la journée du lendemain dans les bois environnants, en excursion avec ses enfants que Dudevant emmena aussitôt après à Paris pour la rentrée des classes. Aurore resta d’abord seule dans le silence et le calme de Nohant, puis elle alla demeurer chez les Duteil.

Le 30 octobre 1833, Aurore Dupin, dame Dudevant, porta

  1. Correspondance de George Sand, t. I. Lettre à la comtesse d’Agoult, du 1er novembre 1835 ; — 2° Revue Encyclop. Lettre à Félicie Saint-Agnan datée de 1835 ; — 3° Lettres inédites : à Papet du 20 octobre, à Hippolyte du 4 novembre, à Boucoiran du 17 novembre, à Michel de Bourges de la fin d’octobre 1835 ; — 4° Comptes rendus de la séance de la cour de la Châtre et du Cher dans Le Droit, 1836, nos 240, 242 ; — 5° Histoire de ma Vie, IV, pages 377-385.