Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par ses trois premières Lettres d’un Bachelier ès musique[1]. La correspondance entre George Sand et ses nouveaux amis en Suisse était en général déjà assez active à cette époque. Notons cependant un fait passablement curieux. Bien que les lettres à la comtesse d’Agoult et à Franz Liszt respirent la même cordialité sincère et simple, et qu’elles soient également pleines d’épanchements de cœur et d’explications, on sent parfois dans celles que George Sand écrivait à Mme d’Agoult l’intention de faire de la « littérature », une animation un peu artificielle, une certaine coquetterie d’esprit, quelque chose qui tient du style des amoureux, non pas précisément un désir conscient de charmer sa correspondante, mais bien celui de lui prouver son attachement et son admiration. Les lettres à Liszt, pleines de verve et d’abandon, sont écrites sur un ton de bonne camaraderie, et en même temps elles touchent constamment aux différents intérêts sérieux de l’art et aux grandes œuvres du jour. Sans le savoir elle-même, George Sand y parle involontairement le langage de son correspondant, jugeant comme lui les choses et les hommes, sentant comme lui, partageant ses idées et ses tendances, surtout dans les questions qui traitent de l’art. Il est à regretter que nous ne sachions rien sur les conversations qu’ils eurent au printemps, outre les quelques lignes que leur consacre Liszt dans sa première Lettre d’un Bachelier ès musique, où il dit qu’il aime à revenir par la pensée au temps où lui et son ami le Voyageur, assis auprès du feu et enveloppés par la fumée de leurs cigares, causaient sur les grands problèmes sociaux, qu’on lui « défend de traiter dans les colonnes de la Gazette musicale ». Mais d’après la Cor-

  1. Voir plus haut.