Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« … Si l’homme se développait seulement dans l’ordre de l’utile, il ne différerait de l’animal que par la supériorité de ses instincts, et ne serait pas plus perfectible que lui ; car dans cet ordre même, le progrès en tant qu’indéfini, dépend de la raison et resterait sans elle fatalement renfermé, comme chez les êtres inférieurs, en des limites relatives à l’espèce entière, et que l’individu ne franchirait jamais. C’est à l’intelligence que l’homme doit le privilège de se perfectionner sans cesse, ainsi que le pouvoir toujours croissant qu’il exerce sur la Nature[1]. »

« … Totalement absorbé en elle, il ne pourrait réagir sur elle, la dompter, la soumettre à son empire, s’il ne s’élevait au-dessus d’elle par le don de l’intelligence. Et puisque là où elle n’est pas, tout a des bornes nécessaires et fixes, et que là où elle est, ces bornes disparaissent, elle a évidemment une relation naturelle et directe à l’infini… L’intelligence, dans ce qui la constitue radicalement, est la faculté de percevoir le vrai ou le nécessaire, l’invariable, l’absolu, c’est-à-dire de percevoir Dieu et les idées en Dieu. À l’instant où elle naît, elle engendre des besoins nouveaux, et par conséquent ouvre à l’homme une nouvelle sphère d’action. Mais le Vrai peut être perçu, soit immédiatement en lui-même, soit à travers le voile des choses extérieures ou des formes sensibles qui manifestent au sein de l’espace et du temps, les idées, les types, les modèles éternels de tout ce qui est. Le vrai ainsi perçu prend le nom du Beau, et le Beau est le Vrai manifesté dans une forme sensible. Dès que l’homme en a la vision, il s’unit à lui par l’amour et cherche à le reproduire dans ses œuvres, à y incarner l’exemplaire divin que contemple l’œil interne.

  1. Esquisse d’une Philosophie, vol. III.