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passionnée de prédicateur et de prophète, l’entêtement d’un fanatique et l’inflexibilité d’un sectaire. Un de ses biographes à courte vue, croyant sans doute qu’il dit là quelque chose de dénigrant et de mordant, le caractérise ainsi : « Comme tous les hérétiques, il était doué d’un esprit d’airain, d’une âme inflexible, d’un orgueil insensé. Au xve siècle, il se serait plutôt laissé livrer au bûcher avec Jean Huss, que d’avouer ses erreurs. » Au xixe siècle, on ne l’a pas brûlé, mais en lisant la vie de ce martyr de sa foi, on se dit involontairement que dans tous les temps, la souffrance, l’humiliation, la pauvreté, le reniement et l’incompréhension tragique, de la part des amis et des élèves les plus proches, c’est là le sort des initiateurs de toute nouvelle doctrine, la coupe qu’eux tous doivent vider jusqu’à la lie. Lamennais mourut en 1854, restant fidèle, jusqu’au dernier moment, à sa conscience et à sa foi. Ses funérailles furent accompagnées de nouvelles entraves de la part de la police. Toutefois, conformément à son désir, il fut enterré dans la fosse commune.

Au moment où Liszt et George Sand entrèrent en relations avec Lamennais, celui-ci avait cessé d’être un champion du catholicisme et il était déjà célèbre par la publication des Paroles d’un croyant, qui eurent jusqu’à cent éditions et qui furent traduites dans toutes les langues de l’Europe. Les biographes et les critiques de Lamennais ont tort d’envisager cette évolution comme une rupture avec ses anciennes doctrines et une adhésion à des idées diamétralement opposées, ou même comme une trahison à ses anciennes convictions. Des écrivains peu consciencieux ou acharnés à le poursuivre, vont même jusqu’à assurer que cette volte-face provenait d’un orgueil satanique de ce renégat, par vengeance de n’avoir pas été fait cardinal, etc. Ses Paroles d’un croyant n’étaient qu’une des étapes