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messe du règne de Dieu sur la terre, sous la forme de « l’État de l’avenir » où la loi serait l’amour du prochain, où les peuples n’auraient qu’un seul dogme, une seule doctrine, un seul Dieu, où tous se dévoueraient à chacun, et chacun pour tous, où le travail et la richesse seraient répartis avec régularité et justice, où personne n’aurait à souffrir de la pauvreté, de l’oppression, de l’ignorance. Quant aux arts, ils devaient être les premiers et les plus importants moyens à employer pour introduire, consolider et maintenir ce nouvel état de choses, car les arts concourent au développement de tous les instincts humains, nobles et aimants. L’art et la religion, selon la définition philosophique qu’en donnait le saint-simonisme, maintiennent en nous le sentiment du beau ; le dogme et les sciences y maintiennent le vrai ; le culte et l’industrie y maintiennent l’utile. Les arts, selon eux, se divisent en trois groupes : 1° la poésie et la musique, se rapportant à la vérité, au dogme ; 2° les belles-lettres à la religion ; 3° les arts plastiques, au culte. La poésie et la musique sont du domaine de la vérité, parce que « leur vol sublime et inspiré fait mystérieusement vibrer le sentiment et la notion de l’Éternité, et fait couler dans l’âme humaine un rayon de l’harmonie universelle ». Pour les Saint-Simoniens, il est évident que l’art n’est pas le but, mais le moyen. Son rôle se borne à servir les suprêmes inspirations et le développement de l’âme, ainsi que les intérêts de la religion. Il n’y a donc pas à s’étonner si dans « l’État de l’avenir » les artistes seront considérés comme des prêtres, législateurs supérieurs, éducateurs, directeurs de conscience, chefs de l’humanité, « L’artiste-prêtre » sera comme ministre plénipotentiaire du gouvernement ; par le vol et la profondeur de ses pensées, par ses mélodies, ses peintures, ses œuvres de sculpture, il devra créer,