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plus d’une fois. C’est également à cette époque que se rapporte l’anecdote si souvent répétée d’après laquelle Liszt, se trouvant un jour en société avec l’avocat Crémieux, qui venait de s’établir en France et qui joua un rôle très considérable dans l’histoire de ce pays, se serait adressé à celui-ci en disant : « Monsieur Crémieux, apprenez-moi toute la littérature française. » À quoi ce dernier répondit : « Une grande confusion semble régner dans la cervelle de ce jeune homme. » Son désir d’apprendre, ses doutes, la joie de vivre qui s’éveillait en lui, dirigeaient ses lectures, dans lesquelles se heurtaient des extrêmes diamétralement opposés. Les œuvres profanes et religieuses, les plus sérieuses et les plus futiles, trouvaient en lui un écho. Un beau désordre — tout comme chez Aurore Dupin — régnait dans ses lectures. Les œuvres sceptiques de Montaigne gisaient à côté des apologies du christianisme de Lamennais ; Voltaire côtoyait Lamartine. Ajoutons à cela les écrits de Sainte-Beuve, de Ballanche, de J.-J. Rousseau, de Chateaubriand et d’autres écrivains, dont la plupart eurent une action très grande sur le développement historique, sur la culture religieuse et celle de la littérature poétique de la France. Liszt s’adressait partout où il croyait trouver de la lumière ; il lui semblait toujours que quelque chose de grand et de nouveau allait se révéler à lui, — tout comme pour George Sand. — Son âme était toujours dans l’attente. Souvent il veillait bien avant dans la nuit, lisant, s’efforçant de s’éclairer à tout prix, commençant une chose, puis l’abandonnant, tout cela sous l’influence des impressions les plus opposées, sans jamais trouver aucun repos… »

Et comme Aurore Dudevant disait qu’elle était tourmentée par les « choses divines », Liszt aussi disait ce mot de