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Liszt vers les doctrines sociales et démocratiques qu’on commençait à prêcher dans les années qui précédèrent la révolution de Juillet. Il s’en fit d’autant plus volontiers le partisan chaleureux, qu’elles répondaient à ses croyances religieuses et sociales. Son animosité contre la haute société fit en outre place à la fierté de l’artiste, conscient de sa valeur individuelle, et cette fierté eut pour résultat de le porter à se perfectionner.

Pendant son adolescence, alors qu’il donnait des concerts, il s’était déjà mis à méditer sérieusement sur l’idéal artistique, et le rôle de virtuose, d’amuseur public, de « chien savant », commençait à lui peser. Il voyait que le public n’avait aucun souci de l’art, qu’il ne demandait que des distractions. Se mettant alors à mystifier ce bon public, ses auditeurs ignorants, en leur offrant ses propres compositions sous forme de sonates de Beethoven, ou vice-versa, il apprit à mépriser profondément ses auditeurs, ces dilettanti moitié ignares, pires que les vrais ignorants qui, du moins, sont sincères dans leur ignorance et n’ont aucune prétention.

C’est à ce moment que s’éveilla en lui la soif de s’instruire. Il se mit à lire et à apprendre ce qu’il put, comme il put, et chez qui il put : « Il voulait savoir, tout savoir », dit son biographe. « Mais comme, il lui manquait une instruction première et fondamentale, et que cette soif de connaissances avait éclaté subitement, son développement ne pouvait être ni méthodique, ni régulier. Il changeait constamment de lectures, se jetait sans aucun plan préconçu sur des matières tout à fait opposées, ce qui l’embrouilla

    d’amour, mais alors brisés et désillusionnés par la vie. C’est sous l’impression de cette douloureuse et vaine rencontre que Liszt écrivit sa romance poétique : « Ich möchte hingehn wie der Morgenstrahl. »