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combattre votre excellente, ô sublimes vaniteux ? Il n’y a rien au monde de plus grand que vous, rien de plus précieux, rien de plus nécessaire… »

Il est douteux que l’adversaire le plus acharné de Michel eût trouvé un argument plus caustique, plus sceptique, contre les mobiles de son activité, que l’argument donné par George Sand dans les lignes précédentes. Elle continue ensuite :

« Je ne sais s’il arrivera jamais un jour où l’homme décidera infailliblement et définitivement ce qui est utile à l’homme. Je n’en suis pas à examiner dans ses détails le système que tu as embrassé : j’en plaisantais l’autre jour ; mais que tu m’amènes à parler raison (ce qui, je te le déclare, n’est pas une médiocre victoire de ta force sur la mienne), je te dirai bien que la grande loi d’égalité, tout inapplicable qu’elle paraisse maintenant à ceux qui en ont peur, et tout incertain que me semble son règne sur la terre, à moi qui vois ces choses du fond d’une cellule, est la première et la seule invariable loi de morale et d’équité qui se soit présentée à mon esprit dans tous les temps. Tous les détails scientifiques par lesquels on arrive à formuler une pensée me sont absolument étrangers ; et quant aux moyens par lesquels on parvient à la faire dominer dans le monde, malheureusement ils me semblent tous tellement soumis aux doutes, aux contestations, aux scrupules et aux répugnances de ceux qui se chargent de l’exécution, que je me sens pétrifié par mon scepticisme quand j’essaie seulement d’y porter les yeux et de voir en quoi ils consistent. Ce n’est pas mon fait. Je suis de nature poétique et non législative, guerrière au besoin, mais jamais parlementaire. On peut m’employer à tout [sic), en me persuadant d’abord, en me commandant ensuite, mais