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charité l’eut fait[1]. Néanmoins la propagande de Michel, ses idées, ses opinions extrêmes étaient loin d’avoir trouvé en elle un auditeur docile. Et si l’histoire de ses rapports personnels avec Michel se présente à nos yeux comme l’heureuse apparition d’un juste et d’un prophète depuis longtemps attendu, d’un inconnu déjà parent par l’esprit, devant lequel les portes doivent s’ouvrir toutes grandes, qu’on voudrait recevoir à bras ouverts et qui devient en un court espace de temps un ami, un frère, un maître, et même plus encore, — alors l’histoire de la prétendue conversion de George Sand apparaît comme la défense opiniâtre d’elle-même contre l’ennemi menaçant sa liberté individuelle, qui lui était si précieuse. C’était un ennemi sans quartier, détruisant sur son passage, en vrai vandale, tout ce qui est cher à l’artiste, tout ce qui est une conquête de l’esprit humain, choses non moins belles et non moins nécessaires que les idées d’égalité, de fraternité et de liberté, pour lesquelles guerroyait seulement le terrible tribun. Alors que toutes les lettres de George Sand des

  1. On a omis dans la Correspondance de George Sand tous les passages se rapportant à Michel. C’est ainsi qu’à la page 20 du tome II on devrait lire (nous mettons en italiques les passages tronqués) : « Je suis maintenant avec mes enfants dans la chère Vallée Noire. Michel est en prison à Bourges. J’ai vu Mme Liszt la veille de mon départ de Paris et je l’ai embrassée pour son fils et pour moi. Je n’ai plus vu personne de nos connaissances. Occupée à soigner le vieux républicain plus malade que jamais, je n’étais presque jamais chez moi. J’ai vu une fois Emmanuel, qui m’a chargée de le rappeler à votre amitié, et qui m’a questionnée avec intérêt sur votre compte. On dit que notre cousin Heine s’est pétrifié en contemplation aux pieds de la princesse Belgiojoso. Sosthènes (de la Rochefoucauld, ami de Liszt et de George Sand) est mort ou il s’est reconnu dans un passage de la lettre imprimée, car je ne l’ai pas revu depuis ce temps-là. Moi, je me porte bien, je suis bête comme une oie ou comme Sosthènes. Je dors douze heures, je ne fais rien du tout… » etc., ainsi qu’il est imprimé. (Lettre du 18 août 1836 à Franz Liszt.)
    Dans l’Histoire de ma Vie, George Sand raconte aussi qu’elle avait soigné le vieux républicain une année auparavant, en 1835.