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second ? Tous deux sont beaux et précieux, mais je suis trop vieille pour tous les deux. C’est à cela que je n’ai plus (pour moi) ni foi, ni espoir, ni désir. Je ne peux affirmer rien de durable dans mes dispositions en général, mais je sens celle-là bien profonde ; ce côté de ma vie est frappé d’une tristesse et d’une terreur qui ressemble à la mort, et qui l’est sans doute. Ce n’est donc pas de ce côté que se tournent mes regards et, s’ils y vont jamais, ce sera avec plus de crainte et de timidité que vous ne pouvez m’en recommander ! »

Ensuite elle maudit les hommes et les livres qui par leurs sophismes l’avaient poussée vers les jouissances et la recherche des sensations, et elle regrette le temps où Franklin était son guide et son idéal[1] ce qui a été déjà dit plus haut[2], et elle écrit :

« Je veux me résigner et attendre que la Providence m’envoie naturellement quelque moyen de faire du bien. Je ne sais encore s’il en est, car celui qu’on est convenu d’appeler ainsi, et que nous pratiquons tous plus ou moins, ne me paraît pas mériter un si beau nom. Mais nous verrons ! Ce à quoi je voudrais apprendre à renoncer volontairement et de bonne grâce, c’est à ma satisfaction personnelle. C’est un grand et rude travail dont je ne sais pas le but, mais qui doit en avoir un, et qui, s’il ne produit pas le bien, ne saurait produire le mal. Je vous dirai, si j’y réussis, quels effets il produit en moi et si je me sens améliorée. Je voudrais donner à mes

  1. À cette même époque, elle répétait ceci sur tous les tons à son ami Rollinat dans les Lettres d’un voyageur, et surtout dans celle où se trouve le portrait du juste, extrait d’un de ses cahiers de jeunesse ; elle y pleure amèrement son orgueilleuse confiance en elle-même qui l’a conduite à de si cruelles chutes.
  2. Voir ch. iv, p. 189, et ch. vii, p. 410.