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Une fille naquit à l’aîné ; la mère mourut. Le vieux despote, d’accord avec son fils, se résout à faire passer sa petite-fille pour un garçon. Dans ce but, il élève la fillette loin du monde, dans une solitude complète, en tête-à-tête avec un vieil abbé, son gouverneur, qui l’élève non seulement en jeune spartiate, mais tâche encore de lui inspirer le dégoût du sexe féminin. Il atteint à de brillants résultats : Gabrielle galope à cheval, fait des armes et tire au pistolet comme un jeune seigneur ; elle méprise le danger, dit franchement la vérité à tout le monde. Elle est hardie, courageuse, sincère, en un mot elle brille par toutes les qualités masculines. Mais quand arrive le jour où son aïeul lui révèle son secret (dont, tout naturellement, Gabrielle se doutait déjà), la jeune fille se révolte, et dans son indignation, elle accable son aïeul de reproches pour son hideux mensonge ; elle quitte le château et se met à la recherche de son cousin, qui, tout comme son père, est joueur et libertin. Gabrielle veut réparer l’injustice de son aïeul. Elle trouve Astolphe dans un repaire de brigands, elle le sauve d’un guet-apens. Les deux jeunes cousins se lient d’amitié, se logent dans la même maison, et il en résulte évidemment la découverte de la vérité et un amour passionné. L’aïeul et le gouverneur avaient rendu virils la volonté et le caractère de Gabrielle, mais n’avaient pas réussi à changer son cœur de femme. Obéissant à ce nouveau sentiment, elle suit son bien-aimé dans la modeste demeure de sa mère. Mais d’une part, malgré tout l’amour qu’il porte à son amie, Astolphe ne peut se dégager de ses préjugés masculins, il est jaloux et méfiant. D’autre part, Gabrielle est trop indépendante, trop fière, elle ne connaît aucun de ces artifices féminins si utiles dans la vie de chaque jour. Elle s’attire par là l’inimitié de toute la