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dans la vie et se retrouvent dans la littérature, car bien pitoyables sont les œuvres dont les personnages ne demeurent pas fidèles à eux-mêmes et où leurs actes ne sont pas la conséquence logiquement nécessaire de leur nature, de leurs caractères. Comme exception nous devons naturellement citer les œuvres dans lesquelles l’auteur a spécialement en vue de représenter des personnages qui agissent toujours en contradiction avec leurs pensées ou avec leurs actions précédentes. Mais tout lecteur s’explique facilement qu’ici ce constant illogisme, ce manque de suite, ces actes et ces sentiments purement fortuits prouvent également que l’acteur reste toujours fidèle à lui-même, que c’est là son trait caractéristique que l’auteur ne perd jamais de vue jusqu’à la fin de son œuvre, et que c’est de là que découlent tous les actes, les souffrances, les joies et les luttes du héros. Tout auteur fait donc ce que Lindau reproche si étrangement à l’auteur d’Elle et Lui, tout auteur s’efforce de « suggérer » au lecteur que les personnages de son œuvre ne pouvaient agir, à l’égard les uns des autres, autrement qu’ils ne l’ont fait.

L’influence de Musset sur George Sand s’est surtout manifestée dans la première et la dernière des œuvres empreintes des souvenirs de son voyage en Italie, dans Aldo le Rimeur et dans Gabriel. Il est difficile de préciser en quoi s’est manifestée l’action de Musset par rapport à Aldo, mais elle perce dans la conception générale, le coloris de toute l’œuvre et dans la forme des monologues et des dialogues. Ici, pour la première fois, George Sand essaie du roman dialogué, qui rappelle la forme des pièces de Musset si différente de l’ordinaire. Aldo est aussi peu propre à être joué que On ne badine pas avec l’a-