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pas trop ; mais un fait certain, c’est que durant toute la nuit qui suivit la demande que Musset avait faite de lui renvoyer ces documents, Mme  Jaubert, et sa fille — la comtesse de Lagrange — et même la femme de chambre de Mme  Jaubert, n’eurent rien de plus pressé que de prendre une copie du journal. Dans la matinée on remit le tout à Musset, qui le transmit à Gustave Papet, l’ami désigné par George Sand.

Mme  Jaubert cacha à Musset qu’une copie était restée entre ses mains ; Musset, de son côté, trouva inutile de prévenir George Sand que le journal avait été pendant quelque temps en d’autres mains que les siennes. Dans la suite, cette copie ayant servi à en faire d’autres, tomba entre les mains de Paul de Musset, et c’est ainsi que le secret fut violé et que ce qui avait été intime, fut révélé au public. Mais en passant de main en main, de bouche en bouche, l’histoire vraie fut défigurée par des exagérations involontaires ou préméditées, par des altérations où par le mensonge, jusqu’à ce qu’enfin ce récit sincère, ce chant d’amour blessé commençât, pour ainsi dire, aux yeux de ceux qui n’avaient pas vu le journal même, qui ne le connaissaient que par des ouï-dire, à passer pour un acte d’accusation porté par George Sand contre elle-même. Paul de Musset s’en servit plus tard avec un manque de conscience tout à fait exceptionnel. Pour montrer à nos lecteurs à quel point Alfred de Musset connaissait l’absence de bonne foi de son frère, il nous suffira de rappeler les paroles que, d’après une lettre de George Sand à Sainte-Beuve, il adressa à Papet à l’occasion des pourparlers auxquels donna

    le but de se garantir contre les demandes de restitution de George Sand. Cette assertion doit être une erreur, car le lendemain même Musset les remit à M. Papet.