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guérirait et m’élèverait le cœur. Je voudrais te bâtir un autel fut-ce avec mes os » !… Et encore : « … Mais je ne mourrai pas, moi, sans avoir fait un livre sur moi et sur toi (sur toi surtout). Non, ma belle, ma sainte fiancée, tu ne te coucheras pas dans cette froide terre sans qu’elle sache qui elle a porté. Non, non, j’en jure par ma jeunesse et par mon génie, il ne poussera sur ta tombe que des lis sans tache. J’y poserai de ces mains que voilà ton épitaphe en marbre plus pur que les statues de nos gloires d’un jour. La postérité répétera nos noms comme ceux de ces amants immortels, qui n’en ont plus qu’un à eux deux, comme Roméo et Juliette, comme Héloïse et Abélard. On ne parlera jamais de l’un sans parler de l’autre. Ce sera là un mariage plus sacré que ceux que font les prêtres, le mariage impérissable et chaste de l’intelligence… Je terminerai ton histoire par mon hymne d’amour[1]… »

Si avant cela déjà, Musset et George Sand, obéissant à la tendance, bien commune à tous les poètes, avaient exhalé leurs souffrances, l’un dans les Nuits, l’autre dans les Lettres d’un Voyageur, œuvres purement lyriques, à présent Musset mit consciemment à exécution son projet d’écrire un livre sur lui et sur elle. En 1836 parut la Confession d’un enfant du siècle, qui est la « version » donnée par Musset de leur commune histoire. Le lecteur se rappelle sans doute aussi l’Hymne d’amour, qui termine la troisième partie du livre ; jamais, peut-être, l’amour triomphant ne s’est exhalé en plus enthousiastes paroles que par les

  1. Paul de Musset, qui, dans la suite, s’est efforcé de toutes les manières de rabaisser le rôle que George Sand et son amour avaient joué dans la vie de son frère, a essayé, mais sans succès, de démentir l’authenticité de cette lettre. C’est celle qui fut imprimée par M. Hédouin dans l’Homme libre et que nous avons déjà citée. Voir plus haut, p. 93.