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cœur du poète s’était déjà définitivement calmé. Ses lettres à George Sand nous disent le contraire ; malheureusement tout ce qui subsiste de leur texte n’a pas encore été publié intégralement jusqu’ici, et Grenier, Arvède Barine, Ducamp, Mariéton ne nous en donnent que des fragments. Elles forment tout un poème d’amour, poème qu’on ne peut lire sans une profonde émotion et une vive sympathie. Ces pages respirent tout à la fois une passion brûlante, douloureuse et une profonde tendresse. Des paroles enflammées, insensées se mêlent à ces gracieux enfantillages qui accompagnent toujours un amour sincère. Musset accable George Sand de lettres, implore son amour, promet de tout oublier, se dit indifférent au fait qu’elle en aime un autre, qu’il se moque bien de tous ces fantômes du devoir, de toutes les phrases, mais qu’il y a cinq cents lieues entre eux ; voilà ce qui importe, car il ne sait qu’une chose, c’est qu’il l’aime, qu’il l’aime, qu’il en dépérit, qu’il meurt de cet amour, qu’il a soif d’elle. George Sand redoutant de croire à ce renouveau de bonheur, avait peur de capituler ; mais sa première lettre à Boucoiran qui suit celle du 10 septembre dont nous avons donné des fragments, lettre datée du 13 septembre, nous montre le changement survenu dans son esprit. Pas trace de chagrin ni de désespoir. Pleine de verve et d’entrain, elle finit par ces mots : « Adieu, nous nous reverrons bientôt. Donnez-moi des nouvelles de notre ami. Trouvez-moi une servante… »

Le mois de septembre se passa encore en tiraillements mutuels et en souvenirs dont l’un et l’autre savouraient le poison. Enfin, au commencement d’octobre, George Sand arriva à Paris, et tout fut oublié, hors l’amour ! Mais ce ne fut pas pour retrouver la joie que se