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désir « de se venger ou d’écraser l’adversaire[1] », redire toute l’histoire avec sobriété et exactitude — ou garder le silence. Cette soi-disant délicatesse et réserve n’est, en somme qu’une grande indélicatesse, car c’en est une à nos yeux que de parler d’une morte par allusions et, qui plus est, par vilaines allusions, sans citer aucun fait à l’appui de ce que l’on avance. En ce cas il eût été, nous le répétons, bien plus délicat, de passer sous silence tout l’épisode ou de dire toute la vérité, et ne pas craindre que l’adversaire répliquât, de son côté, par toute la vérité. Musset n’avait aucune crainte là-dessus. Il ne redoutait qu’une seule chose, c’est que « ses lettres tombassent entre les mains de son frère Paul[2] ». Paul de Musset, au contraire, avait à craindre, et craignait réellement, que la publication des lettres authentiques du poète et de George Sand ne prouvât clairement à tout le monde combien il s’était écarté de la vérité dans les ouvrages qu’il avait écrits sur son frère. Il s’opposa obstinément à la publication de ces lettres et depuis sa mort, sa sœur, Mme Lardin de Musset, s’y oppose avec la même opiniâtreté. Aujourd’hui, les lettres de George Sand à Musset ont été publiées par M. Aucante ; il a paru aussi la totalité de ses lettres à Sainte-Beuve, une partie de celles à Boucoiran, à son mari, etc., lettres qui ont trait à cet épisode, et qui malheureusement ne sont pas insérées dans les six volumes de sa Correspondance, en général fort incomplète et pleine de graves omissions, de coupures et d’erreurs. Nous possédons donc, maintenant, d’un côté, des témoignages authentiques, mais les lettres

  1. Ce sont les propres termes de Paul de Musset, à la fin de Lui et Elle, passage où il explique le but auquel il vise dans ce roman pamphlétaire.
  2. Voir le chapitre ix de notre livre.