Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T1.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

époque, nous dit, à l’occasion, ce que fut pour lui George Sand. Et il n’est pas un seul écrivain d’alors qui ne lui ait consacré, soit dans ses mémoires, suit dans ses œuvres, quelques pages, ou du moins quelques lignes, pénétrées d’affection et de profonde gratitude pour cette grande âme.

Que l’on parle de George Sand à nos pères et à nos oncles, à nos mères, à nos grand’mères ou à nos tantes, à tous ceux qui étaient jeunes dans ces années-là, à ceux qui, ayant terminé ou terminant leurs études, entraient alors dans la vie, ils vous diront tous une seule et même chose. « Nous raffolions de George Sand », nous contait, peu de temps avant sa mort, une vieille dame honorable, très connue à Pétersbourg, tant par son zèle dans la question de l’instruction supérieure des femmes que par sa grande bienfaisance. « Je me souviens, disait-elle, que ma sœur et moi, nous passions des nuits entières à nous lire ses romans l’une à l’autre, à haute voix et à tour de rôle ; nous parlions d’elle et nous la discutions jusqu’au point du jour ; dès que l’une de nous était fatiguée, l’autre continuait la lecture, afin de ne pas interrompre le roman ou l’article commencé ; ses œuvres étaient pour nous un enseignement ». — « Je ne dois à personne autant que je dois à Bélinsky et à George Sand, » nous disait un jour un homme qui avait consacré ses meilleures forces à servir les réformes d’Alexandre II ; « moralement, j’ai grandi sous l’égide de ces deux auteurs ; ce sont eux qui ont été mes vrais maîtres. » Le biographe russe de George Sand que nous avons déjà cité plus haut[1], et qui appartenait à la génération des « enfants », tandis que les « pères » de ces années-là appartenaient justement aux années quarante, a

  1. Mme  Tsébrikow, « George Sand » (Annales de la Patrie, juin-juillet 1877).