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pas. » La tournure d’esprit et l’humeur de Planche cadraient parfaitement avec la mélancolie d’Aurore à cette époque. Il était encore plus logique et plus tranchant qu’elle dans son pessimisme. Elle dit même dans l’Histoire de ma Vie qu’elle évitait « soigneusement de dire à Planche le fond de son propre problème », de peur que par ses discours âpres, convaincus, il n’achevât de la jeter dans une désespérance et un athéisme sans appel[1]. Elle réussit néanmoins à subjuguer l’implacable auteur de Mes haines littéraires, cet original et curieux type d’écrivain, jusqu’à nos jours encore trop peu apprécié en France[2], comme elle avait fait avant lui la conquête du despotique de Latouche et plus tard celle de Sainte-Beuve, si finement exigeant. Dans la lettre déjà citée à ce dernier, elle établit, par un habile parallèle l’influence différente qu’avaient exercée sur elle Planche et Sainte-Beuve, dont chacun répondait à un côté différent de son esprit.

Cependant de Latouche voulait être le seul guide de George Sand. Son amitié était jalouse et exigeante à l’excès. Aurore, de son côté, était, on le sait, une nature libre, indépendante. Il n’y eut aucun choc entre eux, mais leurs relations s’altérèrent. L’amour-propre maladif et susceptible de de Latouche ayant été offensé par quelque observation ou réponse de George Sand — elle-même assure qu’elle ne s’en souvient pas — il cessa tout à coup d’aller la voir et durant dix ans toutes relations entre eux furent interrompues. Un article flatteur que George Sand écrivit en

  1. Histoire de ma Vie, 4e vol. p. 275-285.
  2. Il est parlé de lui entre autres dans Les Réfractaires, scènes de mœurs parisiennes, par Jules Vallès. Paris, 1866. Les pages que Vallès lui consacre ne sont pourtant pas tout à fait justes ni historiquement exactes. Voir aussi : Le critique maudit, par Ad. Racot, dans Le Livre, t. VII, 1885.