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que le monde est plein de douleurs à soulager, à guérir, il prend son bâton blanc et se remet en route.

George Sand écrivit deux préfaces[1] pour Lélia. Dans l’une, elle prétendit que Trenmor était la personnification de telle idée, Lélia et Sténio de telles autres. Pour nous, ces tentatives de se justifier d’accusations soulevées contre elle après la publication du livre n’ont aucune valeur. Au lieu d’attribuer une signification symbolique aux personnages du roman, nous préférons, en ne leur attribuant aucune allégorie, les prendre pour des types réels. Et tels ils sont : ce Sténio, jeune poète divinement confiant d’abord, libertin sceptique et désenchanté ensuite ; cette Pulchérie, passionnée et sensuelle ; ce Magnus, un pauvre sire qui n’a le courage ni de croire paisiblement, ni de rompre avec ses croyances et ses superstitions. Les tentations de Magnus, sa lutte, ses mortifications et ses remords sont peints avec vigueur et concision, écrits de main de maître ; l’effet est bien plus intense que celui de la si célèbre Faute de l’abbé Mouret. Magnus est un homme vivant, un pécheur en chair et en os, un véritable prêtre, luttant contre les tentations de la chair ; tantôt vaincu par elle, tantôt triomphant de Satan. Il prend les sentiments les plus humains, les plus naturels, les vertus les plus sublimes pour des inspirations diaboliques, dès qu’ils sont en contradiction avec les dogmes de l’orthodoxie. On trouve là le souvenir du trouble que ressentit Aurore Dupin lors de ses lectures solitaires et de ses méditations juvéniles, quand, d’un côté, Gerson, de l’autre les grands penseurs

  1. L’une pour la seconde version du roman, refait en 1836 et publié en 2° édition en 1839 ; l’autre pour l’édition des Œuvres complètes parue entre 1851-1856 et illustrée par Tony Johannot et Maurice Sand.