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mulez, à force de vanterie et de fanfaronnade, la décrépitude qui vous rend incrédule et la société qui vous rend impuissant. N’avouez jamais, surtout, la vieillesse de votre intelligence ; ne dites à personne l’âge de vos pensées. »

« Voilà sous l’empire de quelles préoccupations secrètes j’avais écrit Lélia, » dit George Sand dans son Histoire, après nous avoir conté les impressions douloureuses et les événements non moins tristes de 1832 et après nous avoir dépeint sa disposition d’esprit à cette époque. Faisons comme elle et passons à l’examen de ce roman, écrit en 1832 encore, mais dont le manuscrit avait « traîné un an sous sa plume[1] », car il ne fut publié qu’en l’été de 1833[2]. Le sort de ce roman fut bien étrange. De tous ceux de George Sand, c’est peut-être celui qui a le plus contribué à sa réputation, qui a fait le plus de bruit et qui lui a valu l’honneur d’être appelée « l’auteur de Lélia », et cependant, c’est celui de ses ouvrages qui a le plus vieilli. Des longueurs, de la rhétorique, du nuageux, des allégories, et avec cela une ardeur, une passion extraordinaire, une profondeur de scepticisme et de doutes navrants ! Lélia est une sœur de René, de Werther, de Manfred, une nature titanique ; il y a en elle du Child-Harold et du Faust, avec sa soif de savoir et ses aspirations à la liberté de l’esprit. On n’oserait recommander à nos contemporains la lecture de ce livre, tant il est long et vague ; mais celui qui l’a lu est involontairement emporté par le jet de vraie poésie qui en émane et par la révolte passionnée de cette grande âme, cherchant sa voie vers la lumière et la liberté.

  1. Histoire de ma Vie, vol. IV, 5e partie, p. 175-176.
  2. La lettre datée de Juillet 1833, que nous avons déjà citée, omise