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saisit par les cheveux, la renversa, et la frappa au front du talon de sa botte ».

Delmare fut désespéré de sa brutalité, mais il était trop tard. Indiana, revenue à elle, se décida à le quitter pour toujours. Sous l’impression d’une lettre de Raymon, triste et tendre, que pendant longtemps elle avait gardée sans oser l’ouvrir et la lire et dans laquelle il semblait la rappeler auprès de lui, elle s’enfuit secrètement de la maison et s’arrangea avec un capitaine de vaisseau pour rentrer en France. Elle expia cruellement cette dernière faiblesse, cette dernière confiance en l’homme aimé : elle trouva Raymon marié.

La malheureuse Indiana but jusqu’à la lie la coupe de sa déception et résolut de mourir. Sir Ralph, à qui elle ne cachait pas son dessein, et qui, comme un chien fidèle l’avait suivie à Bourbon et en revient en même temps qu’elle, voulait lui rester dévoué jusqu’à la mort et disparaître avec elle. Il persuada pourtant à la pauvre femme, devenue toute passive et comme indifférente à tout, à force de souffrances, de visiter une dernière fois les lieux où s’écoulèrent les jours riants de leur enfance et puis d’y chercher la mort ensemble dans quelque précipice aux flancs du mont Bernica. D’après le plan primitif du roman, ils devaient réellement se jeter dans une cataracte, et cette fin eût été certainement plus hardie et plus naturelle, vu le désespoir et la mort morale d’Indiana. C’est ce que Gustave Planche a déjà fait remarquer en son temps. Mais George Sand, qui n’aimait pas les dénouements tragiques, changea d’idée et ajouta un épilogue, dans lequel Indiana et Ralph, au moment de se précipiter dans l’abîme, découvrent tout à coup, elle — qu’elle peut encore aimer, lui, — qu’il l’a toujours aimée. Le couple heureux vient alors s’établir