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la femme déchue. Tout au contraire, Laurence n’était nullement ni femme « déchue », ni femme « perdue » ; elle n’avait besoin de la protection de personne, vivait d’une vie pleine et heureuse au milieu d’une société brillante, entourée de respect, d’amitié, d’adoration, de luxe, habituée à une grande liberté et à toutes les petites jouissances du bien-être inconnues à Pauline. Au lieu d’avoir à pardonner, l’âme de Pauline se remplit de fiel et de jalousie. Laurence, au contraire, n’a pour Pauline que de la pitié. Elles se quittent. Il s’établit entre elles une correspondance qui, d’un côté comme de l’autre, ne fait que développer ces sentiments opposés. La mère de Pauline, morte, la généreuse Laurence, après avoir consulté sa bonne et sensible mère, la prend chez elle à Paris. (Au moment où elle terminait son roman, en 1840, George Sand attribua à la mère de Laurence bien des traits de la vieille Mme Garcia, mère de Mmes Malibran et Viardot, comme elle a aussi dessiné, en partie, toute la famille de Laurence d’après cette famille d’artiste.) La première partie du roman forme, pour ainsi dire, le nœud de l’action, et la seconde le développement de toutes les données. Laurence, insoucieuse, généreuse, sincère, enthousiaste, occupée de son art, de ses nombreuses connaissances et de l’éducation de ses deux jeunes sœurs, se comporte avec Pauline en toute confiance et tâche en toute sincérité, de lui faire une vie heureuse. Elle fait du bien à tous sans s’en donner la peine, parce que sa nature est généreuse et bienfaisante, et les privations des années précédentes lui ont fait mieux sentir les tristesses « des humbles et des opprimés ». Pauline, au contraire, agit toujours en pleine conscience avec la susceptibilité craintive des natures égoïstes. Elle craint tellement de se sentir redevable à Laurence et à sa famille qu’elle s’em-