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sa nature généreuse, grande, spontanée et ouverte, candide et impressionnable, Laurence fait contraste avec la provinciale Pauline, bourgeoisement vertueuse, sèchement pieuse, mesquine, incapable de tout élan, de tout mouvement spontané, éloignée du vice, mais éloignée aussi de tout profond sentiment humain. Laurence, actrice de beaucoup de talent et déjà célèbre, arrive par hasard, étant en route pour Lyon, dans la petite ville de Saint-Front, où elle avait passé sa triste jeunesse abreuvée de privations et de peines. Elle y avait laissé une amie et élève, Pauline, dont elle avait fait la connaissance, lorsque, âgée de quinze ans à peine, elle donnait des leçons dans une pension, avant d’avoir songé au théâtre. Plus tard, quand elle eut franchi ce pas hardi en se faisant actrice et en rompant ainsi avec les vertus bourgeoises, Pauline, comme tous ses concitoyens et ses concitoyennes, avait rompu avec elle, ou du moins avait cessé de lui écrire. Laurence avait pourtant très bien compris que Pauline, dans le monde où elle est née, ne pouvait agir autrement, mais malgré les longues années de séparation, elle ne doute pas de l’amitié de Pauline. (Le lecteur remarque certainement ce trait autobiographique). Apprenant que Pauline était toujours dans cette ville et point mariée, Laurence interrompt son voyage et va la voir. À peine a-t-elle franchi le seuil de la porte de Pauline, qu’elle est envahie par la sensation du calme et du silence qui y règnent, par le sentiment de l’éloignement des agitations et des passions mondaines. L’atmosphère de cette maison provinciale, terne et morte, lui semble pénétrée d’humbles et austères vertus, et Pauline, elle-même, penchée tantôt sur son métier, tantôt occupée à soigner sa mère acariâtre et aveugle, égoïste comme tous les malades, s’offre à son imagination comme la personnifica-