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furieuse indignation, la rage et la haine, aussi bien que les enthousiasmes non moins excessifs, les chœurs de louanges et de joie qui accueillaient auparavant presque chacun de ses nouveaux romans.

« On ne lit plus George Sand, nous dit-on » (c’est ainsi qu’il commence son étude)[1]. Mais bientôt après, il affirme que la critique se faisant maintenant plus calme et plus juste, le moment est venu de donner une nouvelle appréciation de ses œuvres, et il est persuadé qu’on se remettra à lire notre grande romancière ; cette persuasion se retrouve dans presque toutes les pages de son livre. Le fait seul que George Sand a su soulever des sentiments et des passions tellement opposés, susciter tant d’hostilité et d’amour, tant d’émotions contradictoires, un tel courant de sympathies et d’antipathies, ce fait seul, dit Caro, prouve que George Sand était un bien grand écrivain. En effet, ce sort-là n’échoit en partage qu’aux grands talents, aux vrais élus du génie.

L’influence de George Sand sur la société européenne, sans en excepter la société russe, fut immense de 1835 à 1855. On disait : « le siècle de George Sand » comme on disait : « le siècle de Byron[2]». Et sa personnalité, comme ses œuvres, comme l’influence qu’elle exerçait, étaient appréciées de deux façons diamétralement opposées. Heine, enclin à voir à la fois en George Sand le démon tentateur et l’ange gardien de la jeunesse d’alors, se tient sur la limite de ces deux opinions. Selon lui, les écrits de George Sand « incendièrent le monde entier, illuminant bien des

  1. Les grands écrivains français. George Sand, par E. Caro. Paris, 1887, Hachette et Cie.
  2. George Sand, articles de Mme Tsébrikow (Annales de la Patrie, 1877, juin-juillet).