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faculté de la sentir vive, joyeuse ou brûlante, comme elle circule dans mon sang, comme elle bouillonne dans mon sein ! Vivre ! que c’est doux ! que c’est bon ! malgré les chagrins, les maris, l’ennui, les dettes, les parents, les cancans, malgré les poignantes douleurs et les fastidieuses tracasseries. Vivre ! c’est enivrant ! Aimer, être aimé ! c’est le bonheur ! c’est le Ciel ! Vous savez aimer aussi, vous. Tout votre mal est venu de ce qu’on n’a pas su vous le rendre. Et maintenant que vous êtes compris, vous devez guérir… »

Aurore faisait d’autant moins un secret de ses rapports avec Sandeau que les théories de l’amour « libre et divin » planaient dans l’air et étaient proclamées non seulement par les Saint-Simoniens, mais aussi par tous les amis de la jeune femme. Cet amour pour Sandeau joua dans sa vie intime un rôle fatal. Ce fut le premier anneau de toute une chaîne de liaisons plus ou moins malheureuses, trop nombreuses, et qui ne laissèrent à la fin, dans ce cœur de femme, qu’amertume et désenchantement. Ces amours ont creusé, il est vrai, bien plus avant dans l’âme de l’écrivain. Elles le mirent aussi bien souvent en relations avec des personnages éminents et même des hommes de génie dans les sphères les plus diverses de la vie sociale et artistique. On sait que ce premier essai de « l’amour libre » ne fut pas heureux, ou pour mieux dire, le bonheur fut aussi fugitif qu’il l’est toujours dans toutes les amours, libres ou non. Quoi qu’il en soif, dans les commencements, ce bonheur

    la Correspondance, elle doit sans doute être placée page 194, après la phrase suivante : « Tout cela vous fera travailler sans ennui et vous forcera à des recherches historiques, qui vous arriveront pleines d’intérêt et de vie ». Il manque ensuite probablement les mots « je voudrais vous donner », puis suit la page que nous donnons dans le texte.